Professeur, artiste, pour ses nombreuses expositions, ses œuvres publiques et pour sa contribution à l'art en région, Daniel Dutil fut reçu membre de l'Ordre du Bleuet, le 25 mai 2024, à la Salle Desjardins/Maria-Chapdelaine à Dolbeau-Mistassini.
Professeur, artiste, pour ses nombreuses expositions, ses œuvres publiques et pour sa contribution à l'art en région, Daniel Dutil fut reçu membre de l'Ordre du Bleuet, le 25 mai 2024, à la Salle Desjardins/Maria-Chapdelaine à Dolbeau-Mistassini.
Crédit : Photo Kth photographie
Daniel Dutil † (23 avril 1951 – 21 octobre 2022)
Est-il plus noble façon de survivre qu’à travers les œuvres d’art qu’on a semées sur le territoire de sa vie? Fidèle amant de la nature, Daniel Dutil a intégré avec assiduité ses sculptures monumentales à l’environnement urbain et naturel, pour l’enrichir de leur présence significative. Le prolifique artiste aura vécu avec cet imaginaire fécond qui anime les individus talentueux, en matérialisant de multiples projets d’envergure tant au Saguenay–Lac-Saint-Jean qu’ailleurs au Québec tout au long de son existence.
Daniel naît le 23 avril 1951 à Lac Saguay, un petit village des Laurentides. Enfant, il ...
possède déjà une âme d’artiste et se promène dans la nature de son coin de pays à la recherche de jeux de lumière dans la forêt et sur l’eau des lacs et des rivières. À l’âge de 16 ans, il quitte son patelin pour faire des études en communications au Cégep de Jonquière. Après son collégial, en 1973, il collabore, à titre de concepteur, à l’élaboration du « Festival de lumière et d’art populaire de Jonquière » sur le mont Jacob, le premier d’une longue suite d’évènements novateurs qui façonneront notre paysage culturel. Il complète par la suite un baccalauréat en enseignement des arts plastiques, en 1977, et ajoute une maîtrise sur « l’interactionnisme symbolique » à son bagage académique en 1994.
Pour le jeune homme, la région n’est pas seulement un lieu de résidence, mais aussi un terreau fertile pour son épanouissement personnel et professionnel. Venu initialement pour y étudier, il réalise rapidement que ce pays d’adoption offre un cadre propice à une riche carrière artistique et à l’enseignement, auquel il se dédie pendant plus de 30 ans au Cégep de Chicoutimi et 20 ans à l’Université du Québec dans la même ville. Très vite, il s’installe à Arvida, dans le quartier Sainte-Thérèse, et y fonde sa famille avec sa première épouse Brenda qui disparaîtra malheureusement trop tôt.
Les nombreux voyages à Terre-Neuve pendant les vacances d’été, dans la petite Volvo bleue, avec sa conjointe et leurs fillettes, Najwa, Mélanie, Larissa et Sarah-Jane, et les journées en voilier ou séjours en camping à Saint-Henri-de-Taillon et à L’Anse-Saint-Jean, témoignent de son amour infini pour sa tribu de filles. La passion de Daniel pour la voile et la vastité trouvent aussi leur écho dans les eaux pittoresques d’ici, quand il explore avec enthousiasme autant le fjord que le lac. Elle s’exprime par plusieurs courses sur le Piékouagami ainsi que par ses expéditions sur le fleuve Saint-Laurent et sur la côte Est américaine. Au rappel de ces périples fabuleux, ses petits-enfants, Samuel, Sophie et Julien, se souviendront longtemps de ce grand-père bourlingueur et de ses multiples œuvres, désormais balises incontournables sur notre océan culturel régional. La vue magnifique des Monts-Valin et le panorama sur le Saguenay seront également des éléments déterminants dans le choix de sa dernière maison dans le rang Saint-Martin à Chicoutimi, où Daniel finira ses jours auprès de son amoureuse et complice artistique Diane.
La quarantaine d’œuvres d’art public que cet inépuisable artiste a créées contribuent aujourd’hui, par leur pouvoir évocateur, à faire rayonner le rapport inimitable à l’espace d’un bosseur dont l’activité professionnelle s’étend sur plus de 50 ans. Se joint à ce riche ensemble, une dizaine d’expositions individuelles et plus de 50 collectives. Son style se caractérise par l’utilisation de l’aluminium, et la lumière et la couleur sont les éléments de base de sa photographie. Sa démarche, fondée sur l’interactionnisme symbolique et les interventions environnementales in situ, met de l’avant l’idée d’établir une connexion profonde entre l’objet d’art, le lieu qui l’accueille, les matériaux utilisés et le public qui le regarde. Ce qui permet alors aux observateurs d’interagir avec leur environnement de manière nouvelle et significative et les invite à la contemplation, à la réflexion et à l’appréciation de la beauté dans le quotidien. Mention spéciale du jury au Symposium international de sculpture environnementale de Chicoutimi en 1980, le créateur nous prouve que l’art est un moyen puissant de nous connecter les uns aux autres et au monde qui nous entoure.
Les réalisations imposantes aux titres éloquents de Daniel Dutil, la sculpture et verrière Aire de transit lumière/matière de 1993, du Centre national d’exposition à Jonquière, Le vent tourne sous le regard de Julien de 2006, au carrefour giratoire Sainte-Thérèse à Arvida, Le vent glisse sur le temps et roule vers la lumière de 2012, au Parc de la Rivière-du-Moulin à Chicoutimi, La turbulence du parcours sur la route de nos rêves de 2017, à la Marina de Saint-Félicien, par exemple, sont des repères visuels emblématiques qui participent dorénavant à embellir et à donner du sens à notre petite partie du monde en la parsemant de beauté.
Les nombreuses implications sociales et culturelles de Daniel Dutil, notamment au conseil administratif de la Galerie Séquence et au Conseil des lettres et des arts du Québec, témoignent de sa fidélité envers la communauté régionale et nationale. L’exposition rétrospective de 2019, intitulée Aire de trans-site S34 / S36 au CNE de Jonquière, aura offert une occasion unique de revisiter et de célébrer le travail exceptionnel de cet humain au cœur d’or et à l’esprit libre, parti en 2022, comme on l’a si bien évoqué, cueillir le vent ailleurs.
Texte de Christine Martel