Jeanne Blackburn

Membre de l'Ordre du Bleuet depuis 2023

Pour sa longue suite d’engagements communautaires dans plusieurs domaines, notamment les arts et la culture, Jeanne Blackburn fut reçue membre à l'Ordre du Bleuet, le 3 juin 2023, à la Salle Pierrette-Gaudreault à Jonquière.

Pour sa longue suite d’engagements communautaires dans plusieurs domaines, notamment les arts et la culture, Jeanne Blackburn fut reçue membre à l'Ordre du Bleuet, le 3 juin 2023, à la Salle Pierrette-Gaudreault à Jonquière.

Pour sa longue suite d’engagements communautaires dans plusieurs domaines, notamment les arts et la culture, Jeanne Blackburn fut reçue membre à l'Ordre du Bleuet, le 3 juin 2023, à la Salle Pierrette-Gaudreault à Jonquière.

Pont enjambant la rivière à Chicoutimi.

Crédit : Photo Patrick Simard

Son histoire

Gilles Blackburn, conjoint de Jeanne Blackburn, reçoit la lithographie hommage du conseiller de Saguenay Carl Dufour.

Certaines femmes mènent de front famille et carrière et semblent être venues au monde pour faire évoluer leur époque. Née le 24 juin 1934, à Saint-Elzéar de Bonaventure en Gaspésie, date prédestinée pour une nationaliste québécoise, Jeanne Larocque est la fille d’Ernest Larocque et de Régina Dubé. Elle arrive au Saguenay–Lac-Saint-Jean au début des années 1950. Dès l’âge de huit ans, la précoce lectrice lit tout ce qu’elle trouve, le journal La Patrie, les annales religieuses de sa maman, les petits romans d’amour à 10 ...

sous, que ses grandes sœurs cachent sous le matelas et que sa mère juge comme étant mal écrits, pleins de fautes et sans rapport avec la réalité. À 14 ans, la fillette convainc sa maîtresse d’entreprendre des démarches auprès de la commission scolaire pour doter son école d’une bibliothèque. C’est un échec puisqu’aucun budget n’est prévu à cet effet. Loin d’être découragée, elle suggère à son enseignante de faire appel aux parents d’élèves. Une cinquantaine de livres sont ainsi recueillis, mais la Jeanne n’est pas dupe, la majorité des bouquins sont probablement issus de la collection privée de sa complice.

Curieuse et insatiable, et tournée vers les autres, Jeanne mène des études d’infirmière auxiliaire et d’administration. Comme pour bien des jeunes femmes de ce temps tous les choix de professions sont limités, son parcours professionnel débute donc en enseignement, d’abord dans son patelin natal puis à la Commission scolaire Sainte-Anne de Chicoutimi, de 1953 à 1957, et à l’Éducation des adultes, de 1972 à 1980. Mais les injustices constatées autour d’elle l’indignent profondément et la font rapidement monter aux barricades. Vient alors une longue suite d’engagements sociaux et communautaires comme directrice du projet Récupération et recyclage Saguenay, de 1972 à 1974, cela bien avant que cette préoccupation planétaire fasse quotidiennement la une des médias. Dans les années 80, elle sera ensuite secrétaire régionale et agente de développement à Radio-Québec régional, aujourd’hui Télé-Québec; présidente du Conseil des collèges du Québec; présidente du Conseil régional de la santé et des services sociaux du Saguenay–Lac-Saint-Jean; vice-présidente aux Affaires sociales et présidente du comité de recrutement du Conseil régional de développement pour la région; présidente de la Conférence des présidents des cégeps du Québec; présidente de l'AFEAS et membre du conseil d'administration de la Fondation de l'Université du Québec à Chicoutimi. Mère de deux filles, et d’un garçon malheureusement décédé accidentellement en 1983, cette battante s’implique socialement et politiquement et sait se réinventer et s’adapter aux grands changements de notre temps. Son intérêt pour ses concitoyens demeure son point d’ancrage et s’est manifesté dans tous ses choix de vie.

Cette femme d’action qui n’a jamais cessé de surprendre son entourage amorce une carrière politique en 1985, à une époque où peu de ses consœurs osent s’y engager. La même année, elle est élue première députée du Parti Québécois, dans Chicoutimi, et deuxième dans l’histoire de la région, pour être réélue en 1989 et en 1994. À l’origine de la Loi sur l’équité salariale et la perception automatique des pensions alimentaires, elle avait milité très fort, malgré qu’elle soit à l’opposition en 1988, pour l’adoption la Loi sur le patrimoine familial. Puis, elle est nommée ministre de la Sécurité du revenu et ministre responsable de la Condition féminine dans le cabinet Parizeau, au cours de la période de 1994 à 1996. Elle sera également présidente de la Commission de l’éducation de 1996 à 1998. À 65 ans, elle quitte la politique mais c’est loin d’être l’heure de la retraite. C’est plutôt un tout nouveau pan de son engagement social qui s’ouvre à elle. De 1999 à 2002, elle est présidente de la Régie du cinéma. En parallèle à cette fonction, elle s’implique à l’international à travers la création avec ses collègues de la Fondation des parlementaires québécois Cultures à partager qu’elle préside de 1998 à 2006. Grâce à eux, des millions de livres ont été expédiés pour nourrir des bibliothèques publiques et universitaires en Afrique francophone. Son retrait de la vie active lui permet par la suite de retourner à ses premières amours, soit l’implication dans plusieurs organismes qui font la promotion de l’éducation, des droits des femmes et de la francophonie.

La brillante carrière de cette bosseuse lui aura valu de nombreuses reconnaissances. Au début du millénaire, elle reçoit la Légion d’honneur française, est nommée Chevalière et Commandeur de l’Ordre de la Pléiade, officier de l’Ordre national du Québec et la Médaille d’honneur de l’Assemblée nationale du Québec lui est attribuée.

Jeanne Blackburn œuvre depuis toujours à transmettre le goût de la lecture en favorisant entre autres l’installation de bibliothèques, comme celle de Chicoutimi par exemple. Son amour des livres est le prétexte idéal pour épauler le personnel de la librairie Les Bouquinistes dans leur projet d’acquisition de la dernière librairie indépendante de Chicoutimi, en 2021, qu’ils transforment en coopérative pour le bonheur des amants de littérature. Mais la culture possède plusieurs autres dimensions. Le jardinage par exemple, qui l’a peut-être inspirée à promouvoir l’adoption de notre fleur emblématique la «Gaillarde», un contact avec la terre généreuse qui redonne selon l’attention qu’on y consacre, tout ça à portée de main! La pêche passionne également cette amante de la nature, un moment de détente et d’observation qu’elle partage avec son mari Gilles Blackburn, avec qui elle construit, en 1995, un chalet en bois rond près d’un lac abondant de truites. Exercice libérateur, s’il en est un, suite à la peine et la frustration ressenties au lendemain du référendum, pour cette femme aux convictions indéfectibles qui a vivement collaboré à l’amélioration de la qualité de vie de ses concitoyennes et concitoyens durant toutes ces décennies. Si son époux, compagnon et conseiller de tous les moments, a su supporter les remarques désobligeantes qu’on lui adressait – on le plaignait à une certaine époque d’être un homme «abandonné» par sa femme –, sa patience exemplaire et son soutien indéfectible ont fait de lui le complice idéal de la vie d’engagement exceptionnelle que fut celle de Jeanne Blackburn.

Texte de Christine Martel

Vidéo de présentation

  • Réalisation : Marie-Josée Paradis et les membres du comité des candidatures
  • Texte : Christine Martel
  • Montage : Les Films de La Baie
  • Lecture : Josée Bourassa et Éric Chalifour